Jules Supervielle, Débarcadères – Analyses
Débarcadère n.m. Quai, môle ou jetée sur la mer ou sur un fleuve, utilisés pour le débarquement des marchandises, des voyageurs. Dictionnaire Larousse.
Paru en 1922, le recueil de poèmes Débarcadères de Jules Supervielle s’inscrit résolument, dès son titre, dans le sillage poétique des voyages qui nous font atterrir aux rivages, aux ailleurs, de l’autre côté. Paquebot, Equateur, La Piste, L’escale portugaise, Voyages, Colons sur le Haut-Parana, La Métisse, Sous les palmiers… Autant de titres qui égrènent une route où l’exotisme n’est pas trafiqué par des images mille fois ressassées. Les débarcadères de Jules Supervielle sont au contraire des occasions de partir, de vraiment partir pour tenter de se retrouver.
A propos de Jules Supervielle
Issu d’une famille de la grande bourgeoisie, Jules Supervielle naît à Montevideo, en Uruguay, en 1884. Lors d’un séjour en France il perd ses parents à l’âge de huit mois et retourne vivre en Uruguay où il sera élevé par son oncle et sa tante. Il possédera ainsi les deux nationalités. Toute son œuvre sera marquée par cette double appartenance à la France et à l’Amérique latine. Orphelin aux deux patries, sa poésie tente de fixer l’absence pour mieux apaiser le sentiment d’angoisse qu’elle peut causer.
Jules Supervielle en quelques mots
Dans un livre de confidences qui s’intitule Boire à la source (Gallimard, 1951), le poète revient sur la disparition prématurée de ses parents : « Ce ne fut que quelques années plus tard qu’une parente me montra dans un album les portraits de ceux qui m’avaient donné le jour. Je ne connais pas d’expression plus belle ».
Durant sa vie en Amérique du Sud, Supervielle sera particulièrement attentif à la vie des « gauchos », ces gardiens de troupeaux de la pampa sud américaine, dont le bétail, en particulier, sera un de ses sujets d’admiration : « Entre toutes les bêtes du monde, je le dis comme si vous ne vous étiez pas encore aperçus, j’aime la vache des pampas, – maigre, bâtarde, errante – et qui ressemble si peu à celle de Victor Hugo ».
A sa mort en 1960, trente écrivains se réunissent dans la Nouvelle Revue Française afin de lui rendre un dernier hommage. Comme le dit Pierre Leyris dans son essai Pour mémoire : « Il est à mes yeux dans la droite lignée de La Fontaine, à bonne distance de ce bloc incontournable qu’est Claudel, il pourrait résumer avec Michaux la poésie de ce morceau de siècle ».
Vous trouverez dans cette séquence d’autres poèmes d’époques différentes qui illustrent, chacun à leur façon, des tentatives littéraires cherchant à appréhender « l’ailleurs ». Vous aurez aussi l’occasion de découvrir un artiste étonnant en la personne du peintre Félix del Marle dont une partie de l’œuvre a été inspirée à la fois par le Cubisme et le Futurisme.
Analyses
Nous avons choisi de nous intéresser tout particulièrement à trois poèmes du recueil. Il s’agit de Derrière ce ciel éteint, Marseille et La Métisse. Chacun d’eux est accompagné d’un document iconographique lui faisant écho.
Derrière ce ciel éteint
Derrière ce ciel éteint et cette mer grise
où l’étrave du navire creuse un modeste sillon,
par delà cet horizon fermé,
il y a le Brésil avec toutes ses palmes,
d’énormes bananiers mêlant leurs feuilles comme des éléphants leurs mouvantes trompes,
des fusées de bambous qui se disputent le ciel,
de la douceur en profondeur, un fourré de douceur,
et de purs ovales féminins qui ont la mémoire de la
volupté.
Voici que peu à peu l’horizon s’est décousu,
et la terre s’est allongé une place fine.
Apparaissent des cimes encore mal sorties du néant,
mais qui ont tout de suite malgré les réticences des
lointains,
le prestige et la responsabilité des montagnes.
Déjà luisent des maisons le long de la bruissante
déchirure des plages,
dans le glissement du paysage, sur un plan huilé,
déjà voici une femme assise au milieu d’un suave
champ de cannes,
et parvient jusqu’à moi
la gratitude de l’humus rouge après les tropicales pluies.
Jules Supervielle
Questions
1) Ce « poème-traversée » est composé de quatre « étapes ». Repérez les et dites à quoi elles correspondent.
2) Quelles sont les images associées à l’évocation du Brésil ? (repérez les figures de style, les champs lexicaux)
3) Dans quelle mesure peut-on dire que ce poème illustre ce qu’on appelle « l’exotisme » ?
4) Quels sont les points communs entre ce poème et le tableau ci-dessous ?
Marseille
Marseille sortie de la mer, avec ses poissons de roche, ses coquillages et l’iode,
Et ses mâts en pleine ville qui disputent les passants,
Ses tramways avec leurs pattes de crustacés sont luisants d’eau marine,
Le beau rendez-vous de vivants qui lèvent le bras comme pour se partager le ciel,
Et les cafés enfantent sur le trottoir hommes et femmes de maintenant avec leurs yeux de phosphore,
Leurs verres, leurs tasses, leurs seaux à glace et leurs alcools,
Et cela fait un bruit de pieds et de chaises frétillantes.
Ici le soleil pense tout haut, c’est une grande lumière qui se mêle à la conversation,
Et réjouit la gorge des femmes comme celle des torrents dans la montagne,
Il prend les nouveaux venus à partie, les bouscule un peu dans la rue,
Et les pousse sans un mot du côté des jolies filles.
Et la lune est un singe échappé au baluchon d’un marin
Qui vous regarde à travers les barreaux légers de la nuit.
Marseille, écoute-moi, je t’en prie, sois attentive,
Je voudrais te prendre dans un coin, te parler avec douceur,
Reste donc un peu tranquille que nous nous regardions un peu
Ô toi toujours en partance
Et qui ne peux t’en aller,
A cause de toute ces ancres qui te mordillent sous la mer.
Jules Supervielle
Questions
1) Quels sont les termes et les figures de style qui peuvent nous permettre d’affirmer que Marseille est « une fille de l’eau » ?
2) Dans quelle mesure peut-on dire que ce poème est un hymne à la vie ?
3) Quelles relations le poète entretient-il avec cette ville ?
4) Quelles images sont communes au poème et à l’œuvre de Jacques Pellegrin ?
La métisse
Depuis dix ans ils avaient vécu à vingt lieues d’un sourire de femme,
leurs yeux ne s’étaient allumés à d’autres yeux,
leurs mains ne s’étaient rejointes autour d’un corps,
ils tombaient épuisés par les dures chevauchées derrière le bétail au galop de bois,
n’ayant pour compagnons que les moutons monotones, les vaches vagissantes, et des chevaux exténués par une sécheresse de sept mois.
Vint une métisse énorme et jaune dont les lèvres s’effaçaient et renaissaient en sourires,
dont les regards s’échappaient au loin accouraient en toute hâte puérile.
Son ventre vagabondait doucement sous son large tablier rose-bleu,
son col fléchissait comme celui des calandres
et les gauchos confondaient son corps aux cuisses obèses,
avec les frêles adolescentes dansant sur la couverture des almanachs de la Capitale.
Comme Indalecia se donnait à tous
ses promesses formaient sur les murs du rancho
une frise de grappes douces
et le vieil accordéon pourri donnait de nouveau, la nuit
l’aigre grêle de ses notes qui eussent été fausses
sans la métisse qui les refaisait à l’image de son sourire,
parmi la fumée du foyer et les étincelles.
Jules Supervielle
Questions
1) Comment pourriez-vous qualifier l’atmosphère qui règne dans les six premiers vers ?
Justifiez votre réponse à l’aide d’exemples précis.
2) Dans quelle mesure la Métisse est-elle un personnage « hors-normes » ?
3) Pour quelles raisons peut-on dire qu’elle a bouleversé la vie des gauchos ?
4) Dans quelle mesure le tableau ci-dessous peut-il illustrer le poème de Jules Supervielle ?
Documents complémentaires
Poèmes
Parfum exotique
Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d’automne,
Je respire l’odeur de ton sein chaleureux,
Je vois se dérouler des rivages heureux
Qu’éblouissent les feux d’un soleil monotone;
Une île paresseuse où la nature donne
Des arbres singuliers et des fruits savoureux;
Des hommes dont le corps est mince et vigoureux,
Et des femmes dont l’oeil par sa franchise étonne.
Guidé par ton odeur vers de charmants climats,
Je vois un port rempli de voiles et de mâts
Encor tout fatigués par la vague marine,
Pendant que le parfum des verts tamariniers,
Qui circule dans l’air et m’enfle la narine,
Se mêle dans mon âme au chant des mariniers.
Charles Baudelaire 1857
1) Comment comprenez-vous le titre de ce poème ?
2) Quelles images illustrent l’exotisme baudelairien ?
3) Quels sont les sens mis en éveil dans ce texte ?
Le thème de l’ailleurs, du départ, du voyage parcourt le 19ème siècle comme l’obsession de la fuite et le refus répété du réel immédiat.
Brise Marine
La chair est triste, hélas! et j’ai lu tous les livres.
Fuir! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres
D’être parmi l’écume inconnue et les cieux!
Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
Ne retiendra ce coeur qui dans la mer se trempe
O nuits! ni la clarté déserte de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur défend
Et ni la jeune femme allaitant son enfant.
Je partirai! Steamer balançant ta mâture,
Lève l’ancre pour une exotique nature!
Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,
Croit encore à l’adieu suprême des mouchoirs!
Et, peut-être, les mâts, invitant les orages
Sont-ils de ceux qu’un vent penche sur les naufrages
Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots…
Mais, ô mon coeur, entends le chant des matelots!
Stéphane Mallarmé 1865
1) Qu’évoque le titre de ce poème ?
2) Quel est l’état d’esprit du poète ? Justifiez votre réponse.
3) Qu’est-il prêt à faire pour partir ?
Au début des années 1920, Blaise Cendrars se passionne pour l’Afrique puis pour le Brésil où il se rend en Janvier 1924. Il embarque au Havre à bord du Formose. Il emporte dans ses bagages un gros cahier d’écolier dans lequel il écrit jour après jour les poèmes qui donnent naissance au recueil Feuilles de route.
En route pour Dakar
L’air est froid
La mer est d’acier
Le ciel est froid
Mon corps est d’acier
Adieu Europe que je quitte pour la première fois depuis1914
Rien ne m’intéresse plus à ton bord pas plus que les migrants de l’entrepont
juifs russes basques espagnols portugais et saltimbanques allemands qui regrettent Paris
Je veux tout oublier ne plus parler tes langues et coucher avec des nègres et des négresses des indiens et des indiennes des animaux des plantes
Et prendre un bain et vivre dans l’eau
Et prendre un bain et vivre dans le soleil en compagnie d’un gros bananier
Et aimer le gros bourgeon de cette plante
Me segmenter moi-même
Et devenir dur comme un caillou
Tomber à pic
Couler à fond
Blaise Cendrars 1924
1) Pour quelles raisons peut-on dire que ce poème est le poème de la rupture ?
2) Que cherche le poète en partant ?
Documents iconographiques
Le Cubisme
Il s’agit d’un mouvement artistique né au début du XXème siècle (entre 1908 et 1920) qui a révolutionné les représentations picturales héritées de la Renaissance. En effet les peintres cubistes (comme Pablo Picasso ou Georges Braque par exemple) décomposent les objets dessinés en cubes ou en formes géométriques. De même un objet peut être figuré sous plusieurs angles de vue, décomposé en multiples facettes.
Le Futurisme
C’est un mouvement littéraire et artistique né au début du XXème siècle qui rejette l’esthétique traditionnelle pour exalter le monde moderne, en particulier la civilisation urbaine, la machine, la vitesse.
Félix del Marle, Biographie
Félix del Marle (1889-1952) est un peintre français qui a adopté, dès 1913, les idées futuristes. Cette adhésion au Futurisme ne constituera qu’une étape dans son évolution artistique et personnelle. En 1914 il présente son tableau Le Port au Salon des Surindépendants, une œuvre emblématique de sa période futuriste.
Félix del Marle, Le Port. Analyse.
Tout commence au début de 1913. C’est grâce à la rencontre de Gino Severini, peintre italien installé à Paris en 1906 et signataire du Manifeste Futuriste, que Félix del Marle adhère au Futurisme. Le Port, commencé durant l’hiver 1913-1914, illustre les relations entre Cubisme et Futurisme. Le tableau fait écho au Souvenir du Havre de Picasso, une toile elle-même conçue en réponse à un tableau de Severini, Souvenirs de voyage.
La terre
J’ai choisi dans le recueil le poème La terre j’aime comment le poète décrit la terre de façon précise:
« petit globe de cristal , petit globe de la terre »
Avec la forme qu’elle a la terre, le poète démontre tout ce que l’homme peut faire sur ce globe:
« ce cheval qui court , une dame qui s’arrête » la terre tourne sans aucune sensation .
« Nous tournons sur nous même »
Grâce a ce globe le poète voit tout a travers ce globe. J’aime bien le langage du poète a travers de ce globe . Il généralise tout le monde dans sa description il utilise « nous » pour exprimer ce monde .
« nous sommes tous enfermés »
J’ai également choisi ce poème car c’est une réalité on la vit cette réalité c’est vécu et poétique .
J’ai aimé le poème » Voyage » car j’aime voyager, et ce poème ,en le lisant, m’a donné l’impression de voyager.
Je l’ai aimé car il met en évidence les caractéristiques de la terre et de ces pays,avec les plaines en Australie,les orages en Californie Et la Gange avec ces éléphants
en Inde.
Cela donne au poème un coté exotique.
Je l’ai également choisi pour sa forme,car c’est un poème court mais qui en dit beaucoup sur la Terre,l’Homme et la Femme.
J’ai aimé « MATINALE » de SUPERVIELLE parce que je trouve ce poème plein de merveille,
J’aime ce poème car il exprime la joie de vivre,celui-ci m’inspire beaucoup avec la façon dont
il exprime ses vécus et donc j’apprécie beaucoup ce poème puisque j’adore moi aussi vivre
cet instant là de la journée ,le matin. En général j’aime toutes ces choses là qui se passent
dans cette partie de la journée puisque c’est naturel et merveilleux!